Foxtrot est un film avec Lior Ashkenazi et Sarah Adner. Normalement, ce sont des raisons suffisantes pour aller voir un film. Je ne connaissais pas Shmulik Maoz en revanche, je savais juste qu’il avait fait deux films et que les deux ont été primés à la Mostra de Venise. Curieusement en le regardant, j’ai eu la délicieuse impression de regarder un film italien des années 1970, un film qui se prend la tête sur le cadrage et la photo, un film où l’image se met à avoir un poids et maintient en alerte. Maintenant, Shmulik Maoz sera aussi une raison suffisante pour moi de voir un film.
C’est plus compliqué en revanche de vous dire de quoi ce film parle. Pas tant pour éviter les spoïlerim que parce qu’on a déjà tant parlé de ce film à cause du foin que Miri Regev, l’ancienne ministre de la culture, fit dessus. Je vous dirai donc deux mots sur le film et deux mots sur Miri Regev.
Quand on parle de « tunnels » en Israël, on peut penser à deux choses. D’abord les tunnels palestiniens, en particulier sous les frontières de la bande de Gaza. Ces derniers servent à éviter les contrôles israéliens et servent à la contrebande et au déplacement des factions armées palestiniennes. Complètement sous-évalués pendant longtemps, leur nombre et le danger qu’ils représentent ont sauté à la face de Tsahal et de tous les Israéliens durant la guerre de 2014. Il y a aussi les tunnels creusés par les colons israéliens, en particulier ceux financés par la fondation Ir David, dont le but principal est de trouver des preuves archéologiques de présence juive afin d’appuyer la colonisation de Jérusalem Est. Beaucoup de ces fouilles se situent dans la ville de David, un site archéologique exceptionnel. Mais de fait, ils creusent sous les maisons du quartier palestinien actuel de Silwan, menaçant les habitations d’effondrement.
Alors quand une bédé de Rutu Modan s’appelle « Tunnels » (מנהרות, Minharot), forcément, moi, ça m’excite tout de suite. Je craquai ne lisant que les premières lignes de la critique élogieuse de Haaretz. Il fallait que je lise Tunnels de Rutu Modan. Tout de suite, j’écrivis à la chargée de presse de Keter, l’éditeur, pour lui demander un volume. Je reçus un message automatique : elle était confinée, en congés sans solde. Merde c’est vrai, tout le pays est confiné, et ça a l’air bien plus raide qu’en France… J’allais sur Simania, le marchand de livres par lequel je passe d’ordinaire, mais il ne le vendait pas. J’essayai Steymatsky et pour la première fois, la chaîne israélienne proposait des livraisons en France ! Je commandai ! Quelques jours plus tard, le confinement était annoncé en France et les frontières s’apprêtaient à se fermer. Le même jour, Steymatsky m’annonça qu’ils avaient envoyé le livre. Enfer. Trouverait-t-il un avion à temps ? Passerait-t-il la frontière ? OUI ! MIRACLE ! Hallelu et hamazal ! Le premier lundi du confinement, il était dans ma boîte aux lettres. Je l’ai dévoré et je n’ai pas été déçu ! Le titre renvoie bien à ce à quoi on peut penser quand on parle de « tunnel » en Israël ou en Palestine.
On m’avait chaleureusement conseillé Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi. La présence seule de Yaniv Biton, un des acteurs des Juifs arrivent, suffisait à justifier le visionnage. Tel Aviv on Fire est un film relatant le tournage d’une série palestinienne du même nom. Dans cette série, une espionne palestinienne séduit un général de Tsahal peu de temps avant la guerre des Six jours. Sa mission est compromise quand elle tombe amoureuse du général, alors même qu’elle est déjà amoureuse d’un résistant palestinien… La série est particulièrement kitsch. Ce n’est pas au point de la parodie québécoise le cœur a ses raisons, mais c’est à peu près l’idée : décors moches, intrigue lourde et mal menée , acteurs qui surjouent. Le héros, Salam (Kais Nashif), vient d’être engagé pour vérifier les dialogues en hébreu de la série. Il habite à Jérusalem et se rend tous les jours à Ramallah pour suivre le tournage. Sur le chemin, il passe par un poste frontière de l’armée israélienne. Le poste frontière est tenu par Assi, un petit officier un peu aigre dont la femme est fan de Tel Aviv on Fire. Lors d’un contrôle Salam lui fait croire qu’il est le scénariste de la série, Assi va alors abuser de son pouvoir pour influencer la série.
Un mot : génial. Un autre mot ? Drôle. Drôle comment ? Très drôle. Pour tout vous dire, la comédie israélienne de base, c’est assez pouaite pouaite ou vulgos. Un peu comme la comédie française de base, mais avec plus de houmous. Prenez Falafel Atomi par exemple, c’est rigolo en buvant de la bière, mais vous n’y reviendrez pas. Tel Aviv on Fire, je le reverrai avec plaisir, c’est très fin, c’est bien fait. Le personnage de Salam en particulier est passionnant. Il apparaît au début comme un raté mou qui cherche à se valoriser en mentant. Il va de péripétie en péripétie, de joie en déception en accueillant tout avec la même expression flegmatique. Il éclipse complètement Yaniv, mon chouchou ! Les dialogues de Salam et Assi, passant de l’arabe à l’hébreu sont excellents. Et finalement est-ce un film israélien ou un film palestinien ? C’est fait par des citoyens israéliens, cependant la culture palestinienne est celle qui ressort le plus.
J’ai du mal à dire si c’est un film politique ou pas, parce que la politique, le conflit sont au centre de tout, mais en même temps… Ho… Il ne faudrait pas que je vous raconte le film. Allez le voir, vous ne serez pas déçu.
J’ai piqué un coffret de DVD de films yiddish à une amie. Dedans il y avait le Dibbouk (der dibek, דער דיבוק), que j’avais très envie de voir. Notamment parce que j’en avais entendu parler dans la méthode Assimil pour apprendre le yiddish. Fait amusant, tout le monde prononce dibbouk « Dibbouk » dans le film, comme en hébreu moderne, mais en yiddish normalisé par le YIVO, et de ce fait dans la méthode Assimil, le mot hébreu se prononce « Dibek ». Le Dibbouk est un classique du film yiddish, réalisé en Pologne par Michał Waszyński et sorti en 1937. Le film est tiré d’une pièce de théâtre de Shalom Anski, publiée en 1917. D’abord écrite en russe, Anski la traduisit ensuite en yiddish.
Dans le folklore juif, un dibbuk est un esprit qui prend possession d’un corps (la racine dalet, bet, kof, דב”ק, sert aussi à former des mots comme « colle », « coller »). Dans cette histoire, le dibbouk est Hanan, un jeune étudiant pauvre d’une yeshiva. Son père et un autre se promirent de marier leurs enfants alors que ceux-ci n’étaient pas nés. Le père du futur dibbouk mourut au moment de la naissance de son fils. L’autre père, Sender, fit fortune et oublia son ancienne promesse sans même chercher à savoir ce qu’il était advenu de la famille de son ancien ami.
Quand on a commencé à comprendre que le Covid-19 allait être une grave crise sanitaire qui allait tous nous toucher, j’ai vu fleurir deux chansons dans les canaux de discussions avec mes copains Israéliens. Ces deux chansons, on les voit souvent passer quand il arrive une tuile, un événement désagréable. La première fois que j’ai entendu la première, c’était après l’élection de Trump. Un prof d’hébreu arriva furibard en classe et commença le cours en disant « ne parlons pas de l’élection d’hier », il continua « Nous avons subi Pharaon, nous subirons ça aussi », puis il nous parla de la jolie chanson de Meir Ariel.
La crise du COVID-19 nous touche et nous fragilise tous. C’est aussi le cas de la maison de la culture yiddish, un lieu qui emploie cinq personnes pour préserver un trésor inestimable. La plupart des événements étant annulés, l’argent rentre moins et met en danger la paie des employés. La maison de la culture yiddish fait un appel aux dons pour surmonter l’épreuve. Vous pouvez désormais adhérer et faire des dons directement via le web. Cela faisait plus d’un an que je me disais qu’il fallait que j’adhère, c’est maintenant fait, avec un petit don en plus. Et vous ?
La maison de la culture yiddish a aussi ouvert un site « la culture yiddish à la maison » pour continuer ses activités durant le confinement. Vous y trouverez entre autre une nouvelle d’Avrom Reyzen que j’adore : le prolétaire, דער פּראָלעטאַריער. Je vous invite à la lire !
Oui, je sais, j’ai dit que le blog était fini, mais mettons que là c’est un cas de force majeure. Etgar Keret a gagné le prix Sapir l’année dernière pour תקלה בקצה הגלקסיה, un problème à l’extrémité de la galaxie. Le prix Sapir apporte de l’argent à l’auteur, paie la traduction de l’œuvre vers l’arabe et vers une langue au choix du lecteur. Or Etgar Keret est déjà traduit dans plus de quarante langues. Quel langue pouvait-il bien choisir ? Hé bien il a choisi… Le YIDDISH !!! Et voici donc שטערונג אויפֿן ראַנד פֿון דער גאַלאַקסיע, shterung oyfn rand fun der galaksye.
Et aujourd’hui vous pouvez acheter ce livre de littérature contemporaine traduit vers le yiddish via la maison Leyvik, un centre de culture yiddish à Tel-Aviv. Le livre coûte 89 ₪ et les frais de port vers l’Europe sont de 60 ₪. Vous pouvez le commander ici.
Vous pouvez aussi regarder quelques photos réjouissantes d’une lecture publique de l’œuvre en présence de l’auteur, à la maison Leyvik.
Bon allez, et comme je suis de passage, je vous recommande l’album de cold wave des Zeévot (les Louves) qui vient de sortir aujourd’hui !
Ceci est le dernier billet de ce blog, il est temps de tirer la révérence et de vous dire au revoir ! Merci de m’avoir lu et suivi jusque là, merci pour les mots gentils et encourageants ! Mais cette fois-ci, sans aucun doute, c’est la dernière fois.
Je passe mes journées à travailler devant un écran d’ordinateur et cela devient de plus en plus une punition pour moi d’être collé à cet appareil. J’ai de moins en moins d’énergie le soir pour me remettre devant et taper sur un clavier. En fait, je réfléchis même à trouver un nouveau travail où l’on est moins devant un ordinateur. Je vais continuer à lire, écouter de la musique en hébreu ou en yiddish, mon intérêt pour ces langues a encore de beaux jours devant lui.
Mais voilà, je n’en parlerai plus ici. Enfin bref, merci de m’avoir lu ! Yallah bye !
Quand les gens me parlaient d’Eshkol Nevo, je voyais souvent des étoiles dans leur yeux, maintenant je comprends pourquoi : le premier roman de lui que j’ai lu est vraiment chouette et m’a beaucoup amusé. Je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à quelque chose de très poétique. En fait non, son style est plutôt terre à terre, agréable sans être bouleversant. Non, ce qui est chouette, c’est l’histoire, une histoire ciselée, qui rebondit régulièrement, qui surprend jusqu’aux dernières lignes et dont la symétrie est étonnante. Après, je suis un peu embêté pour vous dire de quoi parle le livre, j’ai un peu peur de vous gâcher le plaisir de la découverte. À ce propos, ne lisez pas le quatrième de couverture, il divulgue trop de choses.
Bon, disons en gros que quatre amis très proches se retrouvent systématiquement pour regarder ensemble la coupe du monde de football. En 1998, à la fin de leur vingtaine, ils décident d’écrire secrètement trois souhaits sur ce qu’ils voudraient être devenus d’ici la prochaine coupe du monde. Ils liront alors tout ce qu’ils voulaient devenir et comparerons avec la réalité. Le narrateur, Yuval souhaite principalement être toujours avec son amie du moment dont il est très amoureux. Il veut se marier avec elle et avoir un enfant avec. On comprend assez vite que tout ne se passera pas comme prévu.
Le jeune au vélo (נער האופניים, non traduit) d’Eli Amir narre l’histoire de Nuri, un jeune Juif irakien en Israël au début des années 1950. Nuri est installé dans un kibbutz grâce à un programme du mouvement de l’alyah de la jeunesse. Il y est heureux et intégré et voudrait y rester, mais son père vient le chercher parce qu’en tant que fils aîné il a le devoir de venir en aide à sa famille. Sa famille est perdue et désespérée dans une cabane en bois de Cfar Ouriel, le village des aveugles près de Guédéra. Le père et la mère parlent mal l’hébreu et ont du mal à s’intégrer ou à tirer leur épingle du jeu. Elle regrette amèrement d’avoir quitté Bagdad. Lui est sioniste, mais se heurte aux discriminations des vousvousim (un mot péjoratif aujourd’hui vieilli désignant les Ashkénazes). Le père veut que Nuri les aide à partir du village pour qu’ils puissent s’installer à Jérusalem.